Chers vous tous.
Nous vivons actuellement une période d’accalmie avec une pression sur les soins qui s’allège. Mais aucun indicateur n’est au vert et les dangers des variants quels qu’ils soient restent présents et tout doit être fait pour éviter leur propagation.
Après l’introduction, le sujet de la semaine sera : « COVID shaming » ou « la stigmatisation des malades du COVID » par Adrien Melquiond.
- Introduction et résumé de la semaine.
Nous voulons revenir sur une question qui revient souvent concernant les tests PCR de moins de 72 heures indispensables pour se rendre en France.
Nous vous rappelons que tout déplacement international – depuis l’étranger vers la France et de France vers l’étranger – est totalement et strictement déconseillé jusqu’à nouvel ordre sauf pour raison impérieuse.
Pour celles et ceux qui doivent quand même s’y rendre, il est facile de trouver sur internet quels laboratoires, à quel prix et dans quels délais un test PCR avec certificat peut être effectué. Une liste est aussi disponible sur le site du consulat de France à Amsterdam.
Se faire tester par le GGD en prétextant avoir des symptômes et utiliser leur réponse mail pour voyager en bus est une prise de risque juridique, puisqu’avoir des symptômes et signer en même temps une déclaration sur l’honneur de ne pas en avoir est contradictoire. Avoir des symptômes avec ou sans test positif ou avoir un test positif sans symptômes entraînent une interdiction de voyager.
Notre rôle n’est pas de juger mais d’informer.
Le confinement se poursuit pour encore quelques temps et il est à espérer que l’économie locale pourra progressivement reprendre en mars. Pour l’instant, on ne peut rien dire.
La mauvaise nouvelle de la semaine est la moins bonne efficacité du vaccin Astra-Zeneca sur le variant Sud-Africain et une nouvelle formulation de ce vaccin devrait prendre plus de temps que prévu. Cependant, même si l’efficacité générale du vaccin d’Astra-Zeneca est de 60 %, il protègerait à 100 % des formes de Covid graves.
Le vaccin Pfizer-BioNtech reste à priori toujours très efficace et Moderna annonce un booster pour augmenter son efficacité contre ce même variant.
Les prochains vaccins qui devraient voir leur autorisation de mise sur le marché sont celui de Janssen / Johnson & Johnson puis celui de CureVac. Les discussions avec l’agence européenne du médicament concernant le vaccin russe Spoutnik V et les vaccins chinois sont en cours.
Sur le plan des traitements, nous avons 2 espoirs :
- Le premier qui nous vient d’Israël :
- Le deuxième du Royaume-Uni :
La France ayant aussi pris la décision de traiter les patients simplement oxygéno-dépendants à domicile, nous pouvons nous permettre quelques comparaisons de chiffres France / Pays-Bas. Attention, le paramètre que ne nous ne prendrons pas en compte est le taux de positivité des tests. La raison en est la suivante : en France chacun peut se faire tester gratuitement autant de fois qu’il le souhaite et chaque test est pris en considération, créant ainsi des résultats faussement rassurants d’un taux bas (deux fois plus bas qu’aux Pays-Bas, alors qu’il était comparable avant que la France décide de prendre 100 % des tests en considération).
La létalité apparente / case ratio fatality (source ECDC / John Hopkins University) :
- Mondiale : 2,2 %
- France : 2,3%
- Pays-Bas : 1,4 %
La différence de létalité apparente entre la France et les Pays-Bas reste constante depuis plusieurs semaines et ne peut pas être expliquée par une différence de prise en compte des décès Covid à domicile ou en Ehpad. La surmortalité reste par ailleurs comparable entre les deux pays.
Nous prendrons les données publiées jusqu’au 10 ou 11 février : certains chiffres publiés après ne sont pas encore vérifiés ou corrigés au moment de la rédaction de ce bulletin (jeudi et vendredi de chaque semaine). Pour rappel : France – Pays-Bas, un rapport de 3,8 du nombre d’habitants est pris en compte.
- Nombre de nouveaux cas pour la période du 4 au 10 février 2021 France / Pays-Bas : 134.282 / 23.671 soit 1,3 fois plus en France après correction des 2 jours de baisse d’activité des centres de tests aux Pays-Bas due au grand froid.
- Nombre de nouveaux patients hospitalisés pour cette période : 10.702 / 1.194 (2,4 fois plus en France) dont en réanimation : 1827 / 159 (3 fois plus en France)
- Nombre de patients hospitalisés au 11 février : 27.007 /1952 (3,6 fois plus en France) dont en réanimation : 3.337 / 527 (1,7 fois plus en France)
- Nombre de décès COVID pour cette période : 2848 /421 soit 1,8 fois plus en France.
- Nombre de décès COVID depuis le début de la pandémie, sans prendre en compte la surmortalité estimée : 80.591 /14.782 soit 1,4 fois plus en France.
Sources :
Pour terminer cette introduction, nous vous avons proposé cette semaine une traduction de l’arbre décisionnel « garderie et école » pour les enfants de la naissance au groupe 8. Il y a une pétition de défense des enfants pour interdire les tests PCR. Cette pétition a remporté un certain succès à son début. Les tests PCR chez les enfants ne peuvent être imposés mais l’admission d’un enfant à la garderie ou à l’école pourrait bien en dépendre comme c’est le cas avec les enfants non vaccinés. Il est à espérer que la performance des tests PCR salivaire sera bientôt validée, ce qui rendra les choses plus faciles.
Ceci étant dit, passons à la pièce de résistance de ce bulletin.
- « COVID shaming » ou « la stigmatisation des malades du COVID »
La stigmatisation a fait partie de chaque épidémie d’envergure, du SIDA au SRAS, mais rien n’a préparé le monde à son omniprésence pendant la crise du COVID-19. L’avènement des réseaux sociaux depuis une quinzaine d’années et leur utilisation accrue pendant cette crise sanitaire explique en partie la violence démultipliée de ce phénomène que l’on appelle « covid shaming ». Que ce soit à l’origine pour maintenir un simulacre de vie sociale ou rechercher une information non formatée par les médias traditionnels, au risque de s’exposer à des infos partielles et/ou partiales, les réseaux sociaux offrent également une fenêtre ouverte sur la vie d’inconnus qui se définissent aux yeux du voyeur par leurs propos, « likes » ou partages. À une époque où un geste aussi insignifiant qu’une poignée de main est devenu une marque d’insouciance, certains n’hésitent plus à agiter les valeurs de moralité et de fraternité aux nez non-masqués de ceux qui ont une lecture différenciée des mesures préventives et autres injonctions gouvernementales prises pour lutter contre l’épidémie. Il ne se passe pas un jour sans une vague d’indignation contre ces fameux
« covidiots », encore un terme humiliant utilisé par ceux qui savent ou pensent savoir contre la masse coupable des irresponsables et des ignorants. Les gens ont été moqués pour avoir accumulé du papier toilette, d’autres pour avoir succombé à la tentation du Black Friday. Certains ont été brocardés parce qu’ils ne portaient pas de masque, d’autres au contraire parce qu’ils en portaient ! Au Royaume-Uni, la police a déployé des images de drones pour mettre dans l’embarras les promeneurs de chiens qui utilisent leurs animaux de compagnie comme prétexte pour s’adonner à des activités « non essentielles ».
Mais le sentiment de honte le plus violent est probablement celui ressenti par tous ceux qui reçoivent un diagnostic positif à leur test de dépistage du COVID-19. D’un seul coup, il est possible de croire que les personnes infectées ont enfreint “les règles” d’une manière ou d’une autre, qu’elles sont clairement négligentes en matière de distanciation sociale ou qu’elles se préoccupent peu de la santé et de la sécurité des autres. Rappelons-nous la petite phrase de Richard Ferrand, président de l’Assemblée Nationale, qui déclarait le 29 Octobre « […] si nous sommes malades demain c’est parce qu’à un moment donné, nous n’aurons pas fait aussi attention que nécessaire […] », balayant d’un seul geste les nombreuses inégalités des citoyens face au risque de contamination et ramenant la maladie à la seule négligence individuelle. Ce discours moralisateur se généralisant, la stigmatisation gagne en violence, certains n’hésitant plus à considérer les malades comme sales ou dangereux même longtemps après leur guérison. On a rapporté des anecdotes de malades qui après avoir informé leurs proches ont été méprisés, des cas de harcèlement en ligne de la part d’inconnus, des discours racistes à l’égard des personnes d’origine asiatique, ou plus récemment britannique et certains rapports attestent que des personnes ont perdu leur emploi après avoir contracté le virus. C’est pourquoi certaines personnes, malgré l’apparition de premiers symptômes, retardent les tests, ou dissimulent leur diagnostic une fois le test positif, ce qui est une tendance malheureuse et dangereuse qui a de nombreuses conséquences négatives sur la progression de l’épidémie.
La stigmatisation et la honte sont le plus souvent associées à des conditions qui sont mal comprises et redoutées. Ce point de vue est commun surtout lorsque les gens pensent à tort que ces maladies sont évitables – comme l’obésité, les maladies sexuellement transmissibles, les complications liées au tabagisme et maintenant la Covid-19. L’idée est que si les actions d’une personne ont contribué à développer la maladie, alors elle est responsable et peut être blâmée. Bien entendu, ce mode de pensée ne tient pas compte de tous les facteurs qui ont contribué à ces maladies.
Selon Bruce Link, professeur de sociologie et de politique publique à l’université de Californie, Riverside, le fait de jeter la honte et la stigmatisation crée une mentalité “nous contre eux”, qui permet aux gens de trouver du réconfort dans leurs propres choix et de mettre de la distance avec ceux qui se comportent d’une manière qu’ils désapprouvent. L’humiliation peut également donner au harceleur un sentiment de contrôle lorsqu’il a l’impression de ne pas avoir son mot à dire (comme dans le cas d’une pandémie, par exemple).
Les efforts de santé publique comme les tests et la recherche des personnes contacts sont des outils importants qui nous aident à maîtriser la transmission des maladies, mais si les gens se sentent trop accablés par la honte et la stigmatisation pour s’engager dans ces stratégies, tout notre système de santé publique peut être mis à mal. Yassin Elforkani, un imam d’Amsterdam Nieuw-West, a déclaré au Volkskrant que de nombreux migrants d’origine non occidentale gardent leurs infections secrètes par honte. Ne comprenons-nous pas que ce tabou est presque aussi nocif que le virus lui-même ? Cette honte crée alors un obstacle énorme aux efforts productifs de santé publique.
Enfin, cette dérive ne se limite pas aux adultes et aux réseaux sociaux. Les enfants qui voient et entendent leurs parents s’indigner de cas de la Covid autour d’eux reproduisent également ces humiliations à l’école en se moquant des quelques cas positifs détectés en classe, en les rendant responsables des fermetures locales ou au niveau national des écoles, en moquant leurs parents qui ont été négligents, ou pire, en se moquant de ceux venant de classes sociales moins aisées et plus exposées au virus.
Que faire alors ? Il est important que nous soyons là les uns pour les autres et que nous fassions preuve de bienveillance et d’empathie. Si un proche vous dit qu’il vous a peut-être exposé par inadvertance au coronavirus, remerciez-le. Faites-lui savoir que vous appréciez son honnêteté, son courage et son désir de veiller sur les autres.
Quelques lectures en EN et NL qui ont inspiré ce billet :
• https://www.evajinek.nl/onderwerpen/column/5190422/eva-de-mol-covid-corona-shaming-schuld
« On n’est jamais si heureux ni si malheureux qu’on s’imagine ». Réflexions ou sentences et maximes morales. François de la Rochefoucauld, 1665.
Bon week-end et soyez prudents sur la glace.
Toute l’équipe.