Tribune libre de Tanguy LE BRETON
Avant-propos
Mes chers compatriotes, je m’exprime ici à titre personnel et en tant que Français établi aux Pays-Bas, si loin et si proche de notre mère patrie. Certes, avec le recul de l’étranger, il est facile de souligner ce qui en France devrait changer. Mon propos a ici pour seul objectif de susciter la réflexion et de tenter d’inspirer un grand changement dont notre pays ne peut plus différer l’avènement : celui d’un changement de république ! Comme tout grand changement, mieux vaut le préparer en prenant le temps que de le subir dans l’urgence.
Le 14 juillet prochain, le président de la République s’adressera à la nation pour célébrer la République. Le moment offre une occasion historique d’annoncer une grande transformation capable de rassembler le pays dans un nouveau projet commun fondé sur les valeurs qui nous réunissent. La priorité est le retour de la confiance. Il faut pacifier notre peuple, refaire naitre une ambition partagée, préparer dans les meilleures conditions les efforts qui nous attendent dans les prochaines années, exactement comme un sportif se prépare à une épreuve. En politique, l’union fait la force. Cette union nationale est désormais une impérative nécessité, et non plus une option possible. C’est pourquoi je suis convaincu que la France a besoin de changer « d’époque et de méthode » en changeant de République. Si la 5ème République a permis en 1958 de mettre fin à une crise institutionnelle, elle nous a aussi enfermé inconsciemment dans des pratiques peu démocratiques qui freinent la capacité d’adaptation du pays. Les problèmes s’accumulent et les solutions tardent, pas seulement faute de consensus et de pragmatisme, aussi parce que les institutions sont dépassées. S’il fallait ne prendre que 2 exemples de ce que la République devrait instituer en France : une démocratie représentative et un gouvernement majoritaire.
– Une démocratie représentative en faisant le choix de la responsabilité avec la généralisation du scrutin proportionnel aux élections ;
– Un gouvernement majoritaire en faisant le choix de l’union nationale avec un soutien d’au moins 50% de la population.
Une démocratie représentative : le choix de la responsabilité
En 2020, la démocratie française n’est pas représentative.
A l’assemblée nationale française, il y a 60% de députés LREM et Modem alors qu’ils ne devraient être que 25% (leur nombre dans l’hémicycle est plus du double de leur poids électoral au moment de leu élection). Cette surreprésentation est tout aussi inéquitable que la sous-représentation des autres forces politiques (RN, LR, PS, écologiste, LFI). C’est une « bizarrerie française » produite par le scrutin majoritaire à 2 tours, miroir déformant de l’expression des suffrages et machine à fabriquer légalement de fausses majorités absolues.
Attention à ce constat révoltant.
Pour rétablir la confiance, la démocratie française doit devenir représentative en instituant le scrutin proportionnel aux élections, comme c’est le cas dans les autres pays européens. C’est aussi une condition pour instituer un gouvernement majoritaire.
Un gouvernement majoritaire : le choix de l’union nationale
En France, en 2020, le gouvernement est minoritaire.
C’est là encore une « bizarrerie française » de la 5ème république dont François MITTERAND et Jean LECANUET dénonçaient le « coup d’Etat permanent » avant de s’y accommoder.
Le quart des votants (25%) offre la totalité du pouvoir exécutif (100%) au président de la République, à l’ensemble des ministres et de l’appareil d’Etat. A chaque élection nationale, ce sont les ¾ des votants (75%) qui se retrouvent dans l’opposition et institutionnellement exclus pour 5 ans du projet de l’exécutif.
Attention à ce constat révoltant.
Cela est rendu possible par l’absence de représentativité de l’assemblée nationale (60% de majorité artificielle obtenue avec 25% des voix).
Pour rétablir la confiance, le gouvernement français doit devenir majoritaire en s’appuyant sur le soutien d’au moins 1 Français sur 2, comme c’est le cas dans les autres pays européens.
Une nouvelle république de la confiance
Il faut regarder les choses en face. La république peine à apporter des réponses rapides et efficaces aux problèmes. Les déséquilibres et les injustices menacent la stabilité.
Je fais le vœux que le président de la République et l’ensemble des forces politiques du pays s’engagent ensemble dans la voie d’une nouvelle république dont le parlement sera représentatif et le gouvernement majoritaire. Ces 2 changements sont des conditions du retour de la confiance des Français. Cette confiance est déterminante. Il en va de l’individu comme du groupe national. Sans confiance, pas d’énergie, de volonté, de projet.
J’entends bien que d’autres priorités semblent plus urgentes (crise sanitaire, économique, sociale, environnementale, financière, etc.).
Mais il me semble que la prise en compte d’un degré élevé de défiance et d’exaspération devrait justifier de prévenir une autre crise, cette fois civile ou institutionnelle.
La confiance est la valeur essentielle à tout projet.
Qu’advienne une nouvelle république française !
Tanguy LE BRETON +31 648912280
Ancien conseiller consulaire élu aux Pays-Bas (Amsterdam)
Ancien conseiller élu à l’assemblée des Français de l’étranger
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2 Responses
Tout à fait d’accord avec toi !
Isabelle Resplendino
Les constatations de M. Le Breton ont du mérite. En même temps, ses propositions sont irréalistes et dangereuses. La France est effectivement gouvernée de façon peu démocratique. C’est un peu une conséquence de sa constitution et beaucoup une conséquence de sa culture politique – celle de l’écrasante majorité de sa population aussi bien que celle de sa classe dirigeante. Contrairement aux pays imparfaits mais bien plus démocratiques comme les Pays-Bas, la France n’a aucune notion de compromis de gouvernement et les Français pensent encore que la majorité – celle qui remporte les élections quel que soit le système électoral – est en droit d’imposer sa politique à 100% sans aucune retenue, sans prise en compte des intérêts et désirs des minorités politiques. La classe politique française, qui n’avait déjà qu’une notion faible de ce qu’est vraiment un régime parlementaire sous la IIIème république, a de plus été dévastée par la montée du parti communiste depuis 1920 puis de l’extrême droite, tous deux champions de la vocifération et de l’intransigeance absolue, antinomiques du parlementarisme. Les Français ne cessent de chercher “l’homme fort” qui doit assainir le pays et les diriger vers une mythique et vaine grandeur. De Napoléon à De Gaulle en passant par Boulanger et Pétain, et en y incluant le poids électoral massif des partis antidémocratiques par nature (communistes, staliniens déguisés en partis aux noms infantiles, ex-Front National), les Français ont bien exprimé ce qu’ils voulaient, et ce n’est pas la vraie représentation parlementaire, ni proportionnelle ni au scrutin de circonscription. Le déficit démocratique de la constitution ne fait que découler du déficit démocratique de la population française. On peut disserter sur les racines de cet état d’esprit de la population, mais c’est un état de fait, et il n’est pas beau à voir. Pour revenir à une démocratie parlementaire, il ne suffit pas de modifier le mode de scrutin, ni d’imposer un retour à la IVème république, qui était justement instable à cause de l’inadéquation de sa constitution avec la culture de la population et est donc logiquement tombée dès que la crise algérienne est devenue profonde. Pour revenir à une démocratie parlementaire, il faudrait d’abord que la classe politique comprenne qu’être au pouvoir ne signifie pas gouverner pour mettre en oeuvre ses propres idéaux (ce qui est une forme de corruption tout aussi grave que la corruption personnelle) mais gouverner pour l’ensemble du pays en maintenant les équilibres nécessaires dans tous les domaines; il faudrait que la culture politique française s’éloigne de la vocifération politique – ridicule quand on la considère de l’étranger – des partis antidémocratiques, du syndrome de l'”homme fort”, de l’ignorance économique, de l’irresponsabilité financière, de l’esprit de gloriole arrogante et de facilité qui la caractérise, comme tout le monde le sait sauf les Français.
Tant que ces changements de culture n’auront pas eu lieu, la France restera un pays en déclin rapide qui se surestime dans tous les domaines et appartient en fait à la compagnie des nations comme la Turquie, la Russie et l’Argentine. Sans ces changements de très longue haleine, revenir à la IVème république n’aura pour conséquence que la même instabilité et le même effondrement politique que lors du coup d’Etat de 1958.